Les fruits

Les zozios

Ben euh, ce serait long à dire..déjà, le fond bleu/vert, j'ai pas réussi à le mettre en valeur, il se fond trop avec la queue du paon. Ensuite, la queue du paon justement, les yeux sont un peu tremblants et ne se ressemblent pas -_-' les traits de la queue (vert foncé/noir/vert clair) sont faits n'importe comment, au début ils étaient bien mais comme on voyait rien, j'ai du repasser, rerepasser, bref...cafouilli. Ensuite le corps du paon, au début je l'avais bien fait, la tête avait un jolie forme et touti quanti, sauf que j'ai essayé de faire un genre de halo blanc tout autour qui a tout foiré. J'ai essayé de l'enlever en mettant toutes sortes de verts autour, sauf que du coup la tête du paon est déformée. Et du coup y a tellement de vert -mis n'importe comment- de la queue qu'on voit plus le fond dans cette zone là (ce qui contraste beaucoup trop avec la droite du dessin, où au contraire y a pas assez de vert) =/ et encore le problème des couleurs qui ressortent pas assez..

Quelque part, dans une foret au nord-est de la rayonnante ville de Pagëorn, un beau jour d'été. Deux hommes dégustent des fruits, assis au sommet des ruines d'un temple, qui siégeait jadis au centre de cette clairière.
Le plus jeune des deux porte des vêtements de voyage, son capuchon est laissé tombé sur ces épaules et laisse voir ses longs cheveux. Confortablement installé, appuyé sur son sac de voyage, il dit, rieur :
"- Ces hommes sont tout de même intrigants. Il prit une pomme dans le panier posé entre eux deux. Celui assis à son côté est plus vieux, ses cheveux et sa longues barbes se teinte de gris. Pour tout atours il porte une tunique verte et une fine branche de lierre lui sert de ceinture.
- Pourquoi dis-tu cela Viano ? Tu les as côtoyé plus souvent que moins pourtant.
- Oui c'est bien vrai Velendus. Depuis que ton frère m'a bannis hors du royaume en me traitant de bâtard, et sur ce point je ne peux pas vraiment lui donner tort ajouta -til comme pour lui même, j'ai eu le temps de parcourir routes et chemins. Mes rencontres avec eux ont été nombreuses... mais malgré tout il restent un mystère pour moi.
Velendus ne répondit rien, et d'un air amusé prit un autre fruit. Son jeune compagnon se tourna vers lui. Il pouvait voir son large sourire malgré sa barbe.
- Pourquoi crois-tu qu'ils aiment tant cela dit il avant de croquer de nouveau à pleines dents dans sa pomme.
- Parce qu'il ne sont pas comme nous Viano.
- Evidemment qu'ils ne sont pas comme nous. Mais enfin comment peuvent-ils se contenter de cela. Il regarda sa pomme, la laissa tomber et prit un autre fruit. Il croqua :
- Ca n'a aucun goût !
Velendus souri de nouveau, bien moins discrètement :
- "Héhé hé ! C'est parce qu'ils ne sont pas comme nous mon jeune ami. Comment crois-tu que les hommes tous autant qu'il sont pourraient croire en nous si nous étions leurs semblables.
- Ils vénèrent bien leur empereur. Il est leur semblable à ce que je sache. Il trouve sans doute que les pommes ont du goût lui." Il essaya de nouveau un fruit en laissant tomber la grappe de raisin pourtant juteuse et sucrée qu'il venait de goûter.
- C'est parce qu'ils pensent... enfin, ils croient que leur Empereur est là de la volonté des dieux.
- Et ce n'est pas vrai ?
- Evidemment que ce n'est pas vrai. En quoi Soolios le lumineux astre du jour, roi à la cour des dieux, aurait intérêt à ce que ce soit un homme plutot qu'un autre qui soit au pouvoir ?
- Aucun idée. J'ai été banni je te rappelle.
- Et bien je te le dis. Soolios n'en a que faire. Il est bien trop occupé à partager son temps entre ses deux passions : les déesses et l'hydromel. ça tu le sais déja je pense.
Pendant plusieurs minutes il se turent. La nature chantait sa luxuriance autour d'eux. Les oiseaux, étaient nombreux à entonner leurs poèmes en cette saison. Velendus, les yeux fermés, toujours aussi souriant, profitait du soleil qui venait d'émerger de derrière le clocher à moitié en ruine. Sans bouger, toujours les yeux fermés, il reprit enfin la parole. Quand il prononça les premiers mots les chants d'oiseaux semblèrent s'atténuer, comme laissant la parole au viel homme.
- Sache que les hommes ne sont pas soumis à la volonté des dieux, quels qu'ils soient. Ce sont au contraire les dieux qui vivent par leur croyance. Et les hommes croient bien ce qu'ils veulent.
Viano avait délaissé le panier de fruit et lisait un vieux livre décrépit. A l'inverse de Velendus, il se cachait de l'astre solaire et avait rabattu son capuchon sur sa tete.
- Et bien justement ! Parlons-en de ce que croient les hommes.
Velendus ouvrit un oeil et regarda Viano qui venait de se lever. Ce dernier se mit à lire :
- " 'Mère Nature source de vie et de tout ce qui peuple forets et océans remplit de ses créations le monde jusqu'alors désert. Aussitot, émerveillée, la Lune, mère de tous les dieux, retourna dans les bras du Ciel, père de tous les dieux, pour le consoler et lui montra les merveilles de la luxuriante nature qui venaient de recouvrir le visage hideux de leur fils. Alors le Ciel hurlat de joie et de sa robe tomba une pluie de pierres enflammées, illuminant les alentours. Et lorsque, de joie, la Lune embrassât ces merveilles, naquirent alors leurs enfants, les premiers Dieux."
Il marqua une pause. Des oisillons étaient venus se poser auprès de Velendus et picoraient les pépins que celui ci avait laissé sur la pierre.
" Eh ! tu m'écoutes ?! dit Viano, agacé.
- Je la connais par coeur ton histoire. Je l'ai enseignée pendant des siècles.
- Ah oui ! et à qui je vous prie, Maître ?
Velendus s'assit et tendit la main vers les oiseaux, toujours affairé à ingurgité les pépins jusqu'au dernier.
- Aux oiseaux." Ces derniers s'arrêterent net, et regardèrent Viano. Un des rouge-gorge roucoula. Il reprit :
" Il connaissent ton histoire en long et en large. Peut-être mieux que certains hommes.
- Comment ça mon histoire ?! Si je puis me le permettre, Ô Maître Velendus, ceci n'est pas mon histoire, mais notre histoire.
Velendus se leva à son tour, puis tourna la tête vers son jeune compagnon :
" - C'est faux.
Viano le regarda, ferma le livre et resta silencieux, attendant un développement de la part de son beau-père, qui s'avérait être également son oncle.
- Nous n'avons pas écrit cette histoire. Les hommes l'ont écrite pour nous, y croient encore pour certains... et lorsqu'ils cesseront de croire, l'histoire se terminera Viano. Nous avons beau être des dieux nous n'en dépendont pas moins des hommes, tout comme eux pensent dépendre de nous.
- Alors il semblerait que la fin approche.
- Oui, en effet. Les hommes ont changé, et leurs croyances avec. Il suffit de voir ce temple en ruine, autrefois le coeur des fêtes divines en mon honneur. Aujourd'hui seules les oiseaux viennent s'y recueillir et organisent des concours de poésie dans cette clairière.
- On ne peut pas laisser cela arriver sans rien faire.
- De toutes manières tu ne sais pas ce qui se passera si les hommes cessent de croire en nous. Personne ne le sait.
- Je ne vais pas attendre de disparaitre pour savoir ce qu'il en est. J'ai beau être le bâtard d'une déesse et de son cher messager d'Etoiles, je n'en suis pas moins un dieu. Tout comme toi.
- C'est la volonté de l'Univers, l'Être originel, nous n'y pouvons rien. Toute histoire doit avoir de toute manière ; ce n'en est pas une autrement.
Le jeune dieu ramassa son sac, attrapa son baton de marche posé en dessous :
- Oh cesse donc avec ces fadaises. Ce sont des inepties que l'on raconte aux enfants de la cour des dieux, ces histoires d'Univers qui contrôle tout ce qui Est !"
Il se tourna une dernière fois vers Velendus :
" Je vais aller voir ce qu'il en est auprès des hommes." Il sauta du haut de la ruine, atterrit vingt mètre plus bas sans un mal.
Velendus, dieu dévoué à Mère Nature et protecteur de sa Création, regarda son ami s'éloigner. Il sourit de nouveau en hochant la tête et se rassit au soleil. Les oiseaux poursuivirent leur tournoi : la mésange commença à entonner son poème intitulé 'Eloge des vers'.

La ville de Pagëorn était parmi les plus grandes cités de l'Empire. Elle n'en était pas non plus la capitale, mais les grandes bibliothèques, les tisserands de renom et les joailliers qu'elle abritait en faisait une cité dont le nom résonnait, comme résonnent les pièces d'or dans la bourse du riche marchand. Sa position à la croisée des routes vers toutes les grandes villes du pays, et placée sur la course du fleuve des grands Ducs, qui, comme chacun sait, se jette dans l'océan, donnaient à Pagëorn un atout commercial et économique inégalable.

Quoiqu'il en fut, Viano n'aimait pas beaucoup s'approcher des grandes villes. Il préférait apporter son aide aux voyageurs, partager leur feu de camp et se faire passer comme l'un d'entre eux. Il se sentait chez lui sur les route.

La ville de Pagëorn était en effervescence en cette saison. Non pas qu'elle fut inactive le reste de l'année, mais les beaux jours était pour la ville l'occasion d'accueillir une immense foire. Des commerçants, artistes, et artisants venaient installer leurs étalages aux portes de la cité.
Viano, assis sur les hautes branches d'un arbre, observait de loin - grâce à sa vue divine - la foule s'agiter.

Au même moment, dans l'ombre du prieuré d'un temple de Malsgannón, un prêtre et son clerc s'entretiennent d'un sujet grave, qui semble préoccuper le prêtre qui fronce les sourcils :
"- Il semblerait, Maître, que le Grand Prieur du Temple soit en ce moment même à quelques miles de la ville.
- C'est une occasion unique de montrer que notre foi est indéfectible. Tu as bien travaillé Theron. Notre dieu saura te donner les plus délicieuses tortures qu'il a en son art le moment venu."
Semblant satisfait, de cette promesse, le jeune clerc se courba en signe de reconnaissance
"Maintenant je veux que tu fasses arrêter cette vendeuse d'onguents et de potions dont nous avons convenu. Elle a fait du tort à notre temple." Il lui jeta une boursette de pièces d'argent. "Voila de quoi te convaincre de ne parler de cela à quiconque. Et de faire taire ceux qui pourraient te gêner.
De nouveau, le clerc s'inclina avant de quitter le prieuré.
"Il était temps. Je vais enfin pouvoir montrer au Grand Prieur à qui va ma foi. Et il m'accueillera dans son Temple. Ce Malsgannón a beau être le dieu des souffrances, il est faible... comme tous les autres. Et ses prieurs le sont encore plus. Ce clerc est un idiot. Bientôt ils sauront où est la vraie Foi." Il sortit de sous sa tunique un large médaillon d'argent frappé d'une étoile à treize branches et l'embrassa avec ferveur.

Viano s'était rapproché du marché et, tel un commun voyageur, passait d'échoppe en échoppe. Un marchand de fruit lui proposa de gouter à ses succulents articles. La grimace qu'il reçut en réponse sembla lui suffire à ne pas retenter sa chance. "Décidément ces humains sont fascinants, pensa t'il. Ils vendent aux autres ce que chacun pourrait pourtant se procurer et consacrent leur temps à courir après les richesses qui empliront de toute manière les bourses de ceux d'entre eux qui sont déjà les plus riches." Il observait alors un riche marchand qui soutenait que les étoffes qu'il proposait étaient incomparables. Il était richement vêtus, et ceux avec qui il traitait l'étaient tout autant. Avant de détourner le regard il remarqua un jeune garçon, un couteau à la main, qui venait de séparer le gros vendeur de tout aussi bedonnante bourse. Il se dit en souriant : "Enfin, certains s'arrangent pour qu'il en soit autrement".
Alors qu'il était plongé dans ses pensées un garde le poussa violemment sur le côté de la route:
-"N'entends-tu pas lorsqu'on te parle, voyageur ! J'ai dit : hors du chemin du Grand Prieur."
Un second garde rejoint le premier et ajouta :
"Tu ferais mieux de prêter plus d'attention, manant, ou tu finiras sur le bûcher sans y prendre garde ! Le Grand Temple ne connait pas la clémence."
Leur tabard noir arborait une large étoile blanche à treize branches.
Derrière eux d'autres gardes continuaient leur route. Une dizaine de servants portaient un auvent noir sous lequel marchait un homme dont la tunique différait de celle des autres. Elle était plus claire et l'étoile qu'il portait était doublée d'un trait d'or. Il portait de riches bijoux aux doigts et autour du coup. Enfin, sa tête était recouverte par une capuche blanche. Le cortège qui le suivait comptait nombre d'homme encapuchonnés de noir.
"Voilà qui est intéressant" se dit Viano en se relevant. Une fois les garde éloignés, le dieux des voyages, curieux d'en apprendre plus sur ce Grand Prieur dont il n'avait pas connaissance, se joignit au cortège.

Après avoir encore parcours quelques centaines de mètres à travers la foule grouillante de la foire, le cortège sembla stoppé par un plus grand attroupement que d'ordinaire. Le jeune dieu vit le Grand Prieur et deux gardes se détacher du groupe, pour s'approcher, au devant de la foule qui semblait observer quelqu'un qui parlait. Intrigué, Viano usa de nouveau de ses pouvoirs, et réussit à se faufiler au travers le foule. Arrivé au premier rang il compris ce qui attirait l'attention d'autant de personnes.

Sur une estrade improvisée se trouvait un homme en bure noire. un médaillon frappé de l'étoile blanche à treize branches pendait à son cou. Son visage était caché derrière un masque blanc. Le prieur allait enfin trouver l'occasion qu'il attendait de montrer sa foi envers le Temple.
Derrière lui, Viano remarqua deux grands gaillards, encagoulés, l'un portait une dague à la ceinture. L'autre s'appuyait sur une énorme hache.
"- Mes chers amis ! Mes frères ! Aujourd'hui est un grand jour, car aujourd'hui le Grand Temple a eu raison de deux âmes faibles ! Cet homme et cette femme ont insulté notre Temple et essayé de l'affaiblir. Aujourd'hui nous allons vous montrer le sort que le Grand Temple réserve à ceux qui tentent de s'y attaquer !" La foule acclamait le prêcheur, qui était indéniablement un orateur de talent. Les habitants des grandes cités se régalaient des exécutions. Et quelle qu'en fut la raison, les acclamations étaient très souvent au rendez-vous. Celle-ci se faisaient rares ces derniers temps ; au grand regret de la populace l'Empereur avait en effet interdit les exécutions publiques. Aujourd'hui, la soif de sang des petites gens allait être assouvie.
"Pour commencer, voici Theorn, clerc du temple du faible Malsgannón !" A ces mots, l'homme qui portait une dague attrapa le jeune clerc qui était agenouillé à ses pieds et le traina sur l'estrade. Theorn avait un sac sur la tête et était pieds et poings liés. Il semblait tenter de dire quelque chose, mais sous le sac il était également bailloné.
"Par son attitude et par ses actes et il a tenté de créer la confusion dans les esprits des habitants. Le Temple n'est pas l'ennemi de vos dieux dépassés. Il en est l'héritier ! La vraie Foi vous mènera vers une vie que jamais vous n'avez connu ; une vie longue et heureuse. Une vie dont toute souffrance sera absente."
"Pour avoir tenté de prêcher la mauvaise parole, Theorn fils de Bjarn, je te condamne, au nom du Grand Temple et de la vraie Foi à la décapitation !"
Viano, surpris, chercha des gardes de la ville autour de lui. En effet il était bien connu que l'Empereur proscrivait ce genre de comportements en ses terres. Les hommes n'étaient pas autorisés à s'entretuer en plein rue sans raison, le dieux voyageur le savait bien. Lorsqu'il trouva enfin du regard un groupe de garde portant les armes de la cité, ceux-ci semblaient bien trop occupés à compter les piécettes d'argent qu'il avaient dans les mains pour porter une quelconque attention à ce que pouvait dire ou faire le pêcheur.
L'homme à la hache était sur l'estrade désormais. Il ne fallut qu'un geste pour que Theorn, fils de Bjarn, perde toute foi en quiconque. Le sang gicla et la foule en délire en fut aspergée, ce qui ne sembla pas déranger la plupart de ceux qui assistait à cette exécution publique. Alors que les deux bourreaux trainaient le corps inerte du jeune clerc, le prêcheur continua d'haranguer la foule de ses paroles pleines de promesses :
"- Aujourd'hui la voix du Grand Temple va résonner contre les murs de cette citée. Aujourd'hui la véritée vous sera enfin rendue ! On vous fait croire depuis trop longtemps que la Science des dieux peut vous sauver des maux qui vous frappent ! Mais ceux qui vous le disent vous mentent ; il en tirent profit et vous manipulent dans leur intérêt. Aujourd'hui mes amis, mes frères, au nom du Grand Temple et de la vraie Foi, je vais vous montrer que ceux qui vous oppriment et vous manipulent ne s'en sortiront pas si facilement !"
Alors que la foule continuait d'acclamer la foule, Viano, très intrigué de savoir jusqu'où était prêt à aller cet étrange Grand Temple, remarqua au coin de la rue que les deux bourreaux étaient en train d'entasser des fagots de bois contre l'un des haut poteaux qui servaient à élever les drapeaux de couleurs qui ornaient la foire.
"- ... et le Grand Temple entend bien faire faire crier la vérité !"
Comme l'avait été le jeune garçon avant elle, une femme trainée devant la foule. Cette fois les bourreaux la hissèrent sur les fagots de bois et la ligotèrent à la poutre.
Appuyant son propos de grands gestes, le prêcheur poursuivait :
" Cette femme a confectionné des remèdes toute sa vie ! Mais quels remèdes ? En vous faisant croire que la Science des dieux pourrait vous sauvez elle vous a vendu, s'est enrichie même, en vous vendant un lent poison ! Demain vos enfants qu'elle a tenté de sauver seront sans doute morts. La vraie Foi vous épargnera cette sorcellerie. Nul maladie ne vous touchera plus, le Grand Temple sera votre protecteur et votre soigneur ! Il sauvera vos enfants !"
Il s'arrêta. Après une nouvelle acclamation, le silence se fit progressivement.
" Mais nous ne pouvons pas exécuter cette femme sans jugement."
La foule rassemblée autour du prêcheur sembla interloquée. Certains huèrent. Le prêcheur attendit de nouveau le silence avant de poursuivre :
"Si cette femme détient la Science des dieux, ceux-ci la protégeront n'est-ce pas ? Ces dieux qui vous protègent devraient sauver cette femme si elle est innocente. Alors tentons de la bruler et si vos dieux désirent qu'elle vive, elle ne pourra pas bruler !"

Une nouvelle vague d'acclamations retentit. "Brulez là qu'on en finisse" crièrent certains, repris par d'autres.
"- Sorcière ! En utilisant la Science de tes dieux pour tromper ce peuple qui te faisait confiance tu as offensé la vraie Foi. C'est elle qui te punira !"
Le bourreau se saisit alors d'une torche dans un brasero et la jeta dans le petit bois. Il faisait chaud ; le bucher s'embrasa immédiatement.

Viano, comme certains des plus malins et des plus perspicaces parmi les voyageurs qui ont croisés sa route l'on remarqué, est un dieu plein d'humour, qui prend bien plus de plaisir dans les histoires, contes et chansons qu'il pourrait en trouver dans les fruits. En effet, chaque dieu, depuis les dieux primaires jusque ceux qu'ils ont engendrés sont pourvus de sensibilités et de goûts différents. Dès sa naissance, Viano fut nommé le dieu bâtard, et devint le dieu banni. Jeté hors du royaume des dieux et condamné à errer sans fin sur les routes que foule le pas des hommes, il se trouva bien seul quand il réalisa qu'il ne partageait que très peu de choses avec ces êtres mortels. Il n'avait goût ni en la nourriture ni en la chaire; ne prenait pas de plaisir à l'ivresse et ne trouvait pas l'intérêt de l'argent, des richesses et des trésors. Bien qu'il essaya de se rapprocher des hommes tel leur égal, ceux-ci ne l'accueillaient pas, ou le rejetaient.
Evidemment après quelques décennies Viano compris qu'il était vain d'essayer de comprendre et de se mêler aux hommes comme s'il en était un. Alors il préféra prendre le temps de les observer. Lorsqu'il découvrit leur art et ce qu'ils créaient constamment, il trouva un nouvel intérêt à approcher les hommes.
La littérature, la musique, la peinture ... voilà en quoi il trouvait un intérêt. En somme Viano, bien que peu d'hommes l'aient su, et encore moins des dieux, aurait pu être qualifié de patron des artistes. Il n'en existait pas jusqu'alors. Les autres dieux ne trouvaient pas d'intérêt à l'art des hommes, et le considérait comme le simple amusement que ceux-ci avaient trouvé pour se détourner de leur condition d'être mortels.
Quoiqu'il en fut, Viano avait depuis lors rencontré nombre d'artistes en tous genres et de tous horizons. Plus que le dieu des voyages, Viano était le dieu curieux.
Auprès de tous ces hommes et ces femmes qui créaient sans cesse, Viano fut exalté. Et plus que curieux du monde des hommes, il en devint curieux de lui même, poussé qu'il était d'imaginer, de penser de nouvelles possibilités. C'est ainsi que le dieu, banni et isolé du reste des dieux avait développé ses pouvoirs. tous les hères, les voyageurs, les nomades, les bardes, les poètes, les peintres, les sculpteur, tous ces artistes qui portaient une foi en lui, une foi qui ne nécessitait pas de temple ni d'offrande et qui s'exerçait par l'assouvissement des curiosités, par l'art et l'aventure, firent grandir son pouvoir. Et c'est ainsi que Viano avait pu trouver un contrôle dans le chant de l'eau, apprendre à maîtriser le vol de l'oiseau et influer sur le souffle des vents...
Velendus, le dieu de tout ce qui vit, aimait aussi se mêler aux hommes, contrairement aux autres dieux. C'est avec lui, son oncle et ami, que le dieu curieux avait pu débattre de ce qu'ils étaient et d'où ils venaient, du sens de la vie des hommes, et de l'éternité relative des dieux. Velendus était sage, et, bien qu'il l'avoua difficilement auprès de son neveu et ami, prenait goût à la poésie. Il enseignait et communiquait à ces êtres mortels, la Science des dieux, qui leur servait à trouver de quoi ne pas mourir de faim, de quoi se soigner, de quoi apprendre du monde qui les entouraient dont ils ignoraient tant.

Ce jour là, au milieu de la foire estivale de Pagëorn, Viano allait de nouveau pouvoir mettre à contribution les pouvoirs qu'il devait à ses fidèles. Il ne pouvait pas laisser cette femme innocente mourir dans les flammes. Velendus en personne lui avait enseigné l'art des plantes alors qu'elle n'était qu'une enfant. Il allait profiter de la situation pour s'amuser un peu de ce Grand Temple qui entendait remplir de promesses les oreilles des hommes, et leur faire oublier ces dieux en lesquels ils avaient foi depuis des siècles. D'ailleurs, qui sait ce qui arriverait alors ?

Les flammes commencèrent à se propager tout autour de la jeune femme qui poussait des cris de terreurs. Le prêcheur n'avait pas cru si bien dire : les cris de la guérisseuse résonnaient contre les murs d'enceinte au pied desquels se trouvait le bûcher. La foule ne prêtait pas attention à ses cris de terreurs, qui seraient très vite des cris de souffrance. Le prêcheur tenait la populace dans sa main désormais. Trompée et aveuglée par la verve de l'homme au masque blanc elle acclamait le meurtre de cette femme, qui avait consacré sa vie à sauver la leur. Viano lui, entendait ces cris. Mais il ne lui faudrait pas grand chose pour venir à bout de ces flammes injustes.
"Du vent sans doute ? Non, cela attiserait les flammes. Quoi alors ? Sans doute en faisant la pluie cela suffira t-il. Vite je dois me décider, le feu gagne du terrain." Puis il se reprit en pensées : "Hum oui en effet, j'oubliais"
Viano avait eu cette réflexion en un instant. C'était un dieu tout de même, il s'agirait de ne pas l'oublier.
C'est donc en un regard vers les cieux que le dieu des voyageur, ami des hommes en appela aux divinités supérieures, à cette ou ces entités qui lui étaient encore inconnues.

Alors que le soleil continuait à illuminer les allées, une pluie dense se mit à tomber sur la foire. La foule se tut. Et le prêcheur ainsi que ses deux bourreaux ne purent que regarder le feu s'éteindre.
La jeune femme était abasourdie et remerciait tous les dieux en regardant vers le ciel.
"Tes dieux ne sont pas si loin que tu le crois pensa Viano."
La pluie cessa. Et les légers nuages qui couvraient le ciel commencèrent à se dissiper. On pouvait voir un arc en ciel courir au-dessus de la ville. Le prêcheur était resté sans mot dire ; après quelques minutes, il repris son discours :
"Nous ne laisserons pas le mauvais sort se jouer de nous. Une simple averse ralentira pas l'oeuvre du Grand Temple. Faites le nécessaire vous deux !"
L'averse avait été de courte durée et le bois n'avait pas eu le temps de se gorger d'eau. Les deux homme en cagoules retournèrent les fagot, en mirent d'autre sous les pieds de la femme qui semblait totalement perdue.
Alors que les deux hommes s'affairaient, la foule manifestaient ses doutes. Un homme cria :
"Les dieux ont parlés !
- Exécutez la sentence !" hurla le prêcheur.
De nouveau, le bûcher s'embrasa et la guérisseuse, pétrifiée, ne cria plus.

Viano de nouveau, usa de ses pouvoirs et les brumes légères qui flottaient encore au-dessus de leurs têtes, se gonflèrent de nouveau, déversant l'eau qui sauva une nouvelle fois la jeune femme ; une nouvelle fois, un arc en ciel se forma au dessus d'eux. Viano jubilait. Il n'avait que rarement eu l'occasion d'utiliser ses pouvoirs d'une telle façon : être un dieu étant décidemment très drôle.
La foule désormais, clamait l'innocence de la guérisseuse et demandait sa libération. Le prêcheur se saisit alors d'une dague qu'il avait à la ceinture et se jeta sur le bûcher encore fumant. La saisissant par les cheveux pour découvrir sa gorge il hurla en brandissant sa lame :
"Cette femme doit payer pour ses crimes !"
Avant qu'il ai pu abattre son bras, un vent extraordinairement fort se mit alors à souffler si bien que le prêcheur, debout sur les fagots de bois instables, perdit l'équilibre et chut au pied de la foule. Viano aperçu du coin de l'oeil un homme aux cheveux gris portant une tunique verte quitter la rue. La tête du prieur heurta le sol et le masque blanc qui couvrait son visage se brisa. La foule ébahit par ce nouveau miracle découvrit alors le visage d'un homme qu'ils connaissaient déjà pour la plupart.
"C'est le prieur de Malsgannon" dit alors une vieille femme, perçant le silence qui s'était de nouveau installé autour de la place. Ce dieu de la souffrance et de la mort n'était pas très réputé et mais sa vénération restait tolérée ... ses prieurs s'adressaient très souvent à la foule pour essayer d'attirer de nouveaux fidèles dans leur temple : celui ci était assez connu des gens de la ville.
Le Grand Prieur du Temple et ses deux gardes s'esquivèrent et rejoignirent le reste du cortège qui quitta s'éloigna rapidement de la foire pour pénétrer dans la ville.
Les badauds se saisirent alors du prieur qui les avait trompé et le traînèrent au bûcher. Viano, profita de l'agitation pour se saisir de la guérisseuse encore sous le choc et l'amena à l'extérieure de la foire.

Quand elle eu repris ses esprits, Viano se présenta tout simplement :
"Je suis Viano, dieu protecteur des voyageurs et des âmes errantes. Je te connais ; tu es Aldorianna. C'est moi qui t'ai sauvé.
Cette annonce ne parut pas la surprendre outre mesure :
"- J'ai prié chaque jour pour que les dieux me protègent. Je savais que mon appel ne serait pas ignoré le moment venu."
Viano se dit qu'il n'était sans doute pas de bon ton de lui dire qu'il passait seulement par là par hasard.
"- Aldorianna, tu dois savoir cette Vraie Foi que promet le grand Temple n'est que de la poudre aux yeux. Ils essayeront d'anéantir les croyances ancestrales ; ils ont déja commencé" Viano pensa un instant.
"En échange de ta vie que j'ai sauvé, il faut que tu portes la paroles des dieux et leur bonne protection auprès des tiens."
Elle ne répondit pas. Et resta assise comme elle l'était depuis le début de leur discussion, sur ce gros rocher qui bordait la route. La minute qui suivit parut extrèmement longue à Viano.
"- Tu ne le feras pas n'est-ce pas ? Même si tu me disais le contraire maintenant tu ne le ferais pas.
- Dieux tout puissant, je l'avoue je ne le ferais pas.
- Pourquoi cela ? J'ai sauvé ta vie aujourd'hui. Et même plutot trois fois qu'une. Enfin deux. Bref, passons.
- Vous l'avez vu vous même, les promesses de ce dieu du Grand Temple quel qu'il soit sont trop grandes. Les gens à travers le pays commencent à y croire. Les gens veulent y croire. En soutenant le contraire je risque un jour d'être de nouveau jetée sur les flammes, et bien que je ne doute pas de vos pouvoirs et de votre Science... j'ai déjà été protégée une fois...je ne le serais pas infiniment. Ce jour là je brûlerais.
- Tu es intelligente femme, et tu maîtrises les Sciences que nous autres dieu t'avons donnés. Je ne peux te forcer à te soumettre à ma volonté. Mes pouvoirs ne me le permettent pas. Va. Et tâche de rester en vie.
- Merci, divin Viano."
La femme, relâchée, et innocentée par les habitants, décida malgré tout de quitter la région. Malgré cet incident, qui aura couté la vie au jeune Theorn, mort pour le fanatisme de son maître, n'endigua pas l'avancée du Grand Temple et ses promesses de vie heureuse et éternelle dans l'esprit des hommes de la cité de Pagëorn et ses alentours.

Viano, content de son tour, mais en revanche inquiété par la foi des hommes, s'en retourna sur les routes. Et si son ami Velendus avait raison ? Et s'ils à l'approche de la fin de l'histoire. De leur histoire ?
Le dieu, aussi puissant que les hommes le croyait, n'en savait rien.